Cher Florent : votre superbe travail sur le Livre de l'Oubli, me parait très symptomatique de votre recherche : sur le plan des matériaux, élaborés et retravaillés, intégrant de l'aléatoire et du jeu imprévisible, sur le plan de la construction, toujours rigoureuse, de ces mêmes matériaux. En quelque sorte, de l'aléatoire contrôlé ou dirigé qui s'affirme au travers d'une structure précise et forte. Ce jugement est également applicable pour moi à Mu Tei, Dans leur voix les eaux, La fable et le vent, Vigies, et, dans une moindre mesure, à Lisières du devenir.
Votre choix de peau se révèle très judicieux, compte tenu des possibilités très diversifiées que ce matériau unique a pu vous fournir, au naturel (cf. les superbes contreplats bord-à-bord) comme travaillé, raboté, poncé et mosaïqué (cf. les plats). Comment faire autant avec si peu, c'est presque un nouvel art du janséniste!
Techniquement, le montage est remarquable, car le livre est en quelque sorte éclaté et assemblé en même temps : la structure est complètement visible, les éléments constitutifs sont conservés dans leur état d'origine sur onglets cousus, bien séparés, tout en étant reliés indissolublement. C'est une conception vraiment moderne ("post-moderne"?) qui met à nu les constituants tout en les intégrant dans un ensemble "apparemment" traditionnel, un compromis esthétiquement séduisant entre une reliure classique et une reliure à la "de Gonet". C'est peut-être là-aussi, un nouvel art de relier.